dimanche 7 mars 2010

Ascenseur émotionnel...

Ascenseur émotionnel...
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Pour tout nouvel arrivant à Tokyo, l'excitation est énorme, la ville est hors norme, surréaliste parfois. Tout est différent, on se perd, on découvre, on rencontre, bref on ne s'ennuie pas !
Dans cette cadence infernale, ajoutez y chercher un appartement et un travail et le temps passe vraiment vite.
Ainsi après bientôt 3 mois dans la capitale nippone, j'ai l'impression d'avoir quitté Nice il y a quelques semaines seulement.

L'arrivée à Tokyo dans un contexte de crise économique réserve quelques surprises aux gaijin espérant trouver du travail très rapidement. En effet, si un étranger trilingue est une perle rare au japon, les bilingues ou anglophones cherchant de travail sont des milliers. Ce qui n'est d'ailleurs pas un problème habituellement dans une ville de 35 millions d'habitants mais qui complique les choses lorsque l'économie est mauvaise.

Comme beaucoup d'étrangers j'ai fait ma part (significative) et lassante et pénible de candidatures à des offres d'emplois auxquelles plus de 800 CV ont été envoyés (l'information chiffrée arrive évidemment une fois que le long processus de candidature est achevé après 1 heure ou plus sur un site en ligne diabolique et complexe) (soupir)...

La situation économique n'avantage évidemment pas les professeurs de langue (qui représentent 90% des étrangers à Tokyo) car, les cours sont la première chose que l'on fait sauter lorsque l'on a moins d'argent. En effet, à part pour les "salary man" travaillant dans des entreprises internationales de Shinjuku et Tokyo, parler anglais est plus un hobby sympa et ce n'est pas vraiment dérangeant surtout quand très peu de personnes le parlent. peut être 5% des gens.

2e facteur, la crise internationale à multiplié le nombre "d'expats" qui partent à l'aventure et arrivent à Tokyo pour enseigner.

J'ai donc eu le privilège de galérer comme tout le monde en ce moment pour trouver un job de prof, job si facile à trouver il y a 1 an ou 2 tellement la demande est importante en temps normal.

Si aujourd'hui, le plus dur est passé et je travaille dans plusieurs entreprises, la semaine ne se remplit pas toujours autant qu'on le souhaiterais.

En effet, comme presque tous les professeurs, on est un peu auto entrepreneurs, et nos sociétés nous fournissent du travail lorsqu'il y en a. Fidéliser ses clients est donc très important. (le secret: faire rire en cours et détendre les gens, se détendre en cours est presque plus important que d'apprendre, en effet après une journée d'esclavagisme au bureau, on veut apprendre en s'amusant. Hop hop ! pas si vite ! pas trop ! auquel cas vous passerez pour un occidental barbare et rude ! En effet si vous montrez un comportement trop expressif ou épanoui, vous risquez de frustrer la personne d'en face si elle est au contraire refermée et timide, vous ne la détendrez pas mais vous lui soulignerez juste sa timidité. Bref, être fun, informel et relax quitte à n'être efficace que 20 minutes en 1 heure est une nécessité pour satisfaire les clients. Le niveau d'expression des émotions japonais étant tellement faible que pour savoir quelle attitude adopter, c'est un peu comme essayer de rouler à la bonne vitesse sur des routes différentes, pleines de radars et sans indications de limitation...


Fermeture de la parenthèse , revenons au sujet de l'activité du prof débutant à Tokyo:
On se livre très rapidement à un véritable jeu pour atteindre la cagnotte d'environ 50 000 Yen par semaine pour être bien à la fin du mois. Si des semaines sont très bonnes d'autres le sont bien moins...
Ainsi je vis un peu au jour le jour, ce qui est bien marrant et permet la fabuleuse expérience de l'ascenseur émotionnel.

L'ascenseur émotionnel, c'est quoi ?

C'est mieux qu'à Disney, accrochez vos ceintures, les sensations sont vraiment transcendantes, souvent c'est un peu comme ça:

- Un moment on se voit avoir une bonne situation et se payer le luxe de partir en vacances régulièrement pour s'évader de Tokyo et partir à l'aventure du reste du Japon, on voit se rapprocher les voyages à Hokkaïdo, ou dans dans les iles tropicales du sud. Puis on rêve de partir pour Osaka, Kobe, Kyushu et Hiroshima. Mais ce n'est pas que ça ! on gagne quand même bien sa vie donc, quitte à être Asie on se prend à rêver de Bali, de la Chine, du Vietnam ou de la Thailande.
Si la semaine est vraiment bonne on pense même à économiser pour payer les taxes qui tomberont aussi certainement à la fin de l'année que les fleurs des cerisiers après leur floraison dans les prochains jours.

- L'autre moment est nettement plus saisissant !

Lors d'une semaine ou l'on gagne bien moins, on fait ses comptes qui s'annoncent désastreux pour la fin du mois et on se dit qu'on va arrêter les sushi délicieux et autres Izakaya suivis de soirées Karaoké, mais aussi les sorties endiablées ! on va plutôt privilégier pour quelques temps les fast food asiatiques, les repas maison et les films à l'appart! On se dit aussi qu'on va laisser passer des occasions et que c'est dommage même si ce n'est pas si grave parce qu'être ici c'est déjà bien.
Enfin, si on ne travaille que très peu pendant la semaine, on a parfois aucun mal à s'imaginer dans un avion rentrant en France dans un mois !

L'alternance de ces sentiments peut être très rapide, il m'est même arrivé parfois de faire le yoyo plusieurs fois dans une journée, c'est sympa mais un peu fatiguant.

Ce qui est marrant, c'est qu'il y a tellement d'étrangers qui vivent ça à Tokyo, ça donne des discussions très compatissantes entre expat qui doivent tous prendre la galère et ramer pour traverser la rivière avant d'atteindre les rivages flamboyants et superb.... ok j'arrête là. bref qui vivent la même chose ! Cela donne des répliques classiques comme:

A: "Tu pètes pas les plombs parfois"
B: "Grave ! moi des fois je me dit que je vais finir par déménager et habiter dans les cyber cafés et hotel capsules comme les geek japonais"

Ou alors

A: "T'es pas déprimé certains jours"
B: "Totalement, des fois j'ai l'impression que je vais jamais y Arriver"

Ou encore

A:" Parfois, j'en ai tellement marre et j'ai envie de me défouler et tout envoyer péter"
B:" Oh ! ouai moi aussi, je pense que je vais essayer de canaliser mes émotions1 "

1: Canaliser ses émotions à Tokyo: (action de) euphémisme notable, l'ordre et le calme régnant à Tokyo, les défouloirs d'usage sont différents ici:
-Appeler tout ses étudiants pour démarcher leurs amis
- Appeler famille et proches pour annoncer votre retour prochain et attendre les encouragements
- Aller à la salle de sport tous les jours pendant 1 semaine
- regarder des films pendant une journée entière pour faire un break
- Sortir de Tokyo et aller en randonnée ou au bord de mer (et dépenser malheureusement encore plus d'argent et oui à Tokyo lorsqu'on est pas chez soi, et qu'on travaille pas, c'est comme si on avait des trous dans les poches on dépense continuellement)
- Se mettre au Taï-chi (Lorsque cela ne marche pas après quelques années le pétage de cable n'est est que plus fort)
- Sombrer de sommeil dans une salle de karaoké après une nuit bien arrosée à chanter et/ou crier entre amis.
- Boxer jusqu'à l'épuisement dans les peluches géantes que l'on gagne dans les salles de jeu partout.
- Louer un bureau spécialement conçu et détruire le mobilier à volonté et avec tout les ustensiles présents dans la salle (on peut même demander à ces compagnies de créer un bureau qui ressemble au sien, cette activité est devenue très populaire dans le monde des entreprises de bureau)
- Aller dans les maid cafés (cafés ou l'on est servi par des jeunes filles payées pour dire des choses telle que: Vous êtes très fort, très beau, vous semblez ci serein, comment faites vous ?, je n'ai jamais rencontré quelqu'un d'aussi intelligent que vous! Après votre tasse de thé vous irez chanter une chanson au karaoké bien entouré, et immortaliserez le moment avec une photo avant de rentrer chez vous) ce loisir est le préféré des geeks et des personnes lasses, c'est bien évidemment exclusivement japonais, et je vois mal un occidental rentrer dans ce genre d'endroit, le spectacle est d'ailleurs assez navrant...
Ces deux dernières activités sont évidemment des loisirs typiquement japonais n'allez pas m'imaginer là ! même si je sais que vous l'avez peut être déjà fait !

Parenthèse refermée, voilà à quoi ressemble le début de l'aventure, juste après la période de l'arrivée et avant la période ou tout rentre dans l'ordre parce que finalement on est grand et qu'il faut se bouger le cul pour réussir quitte à traverser Tokyo pour aller voir l'étudiant qui habite hors de la ville et gagner 15 euros certains jours pour 3h de transport et 1h30 de cours.

Je tiens à vous annoncer avec plaisir que si je n'ai pas encore atteint la période prospère et suis encore un peu dans la période un peu précaire, période qui toutefois a son charme et ajoute du piquant à cette aventure japonaise. La situation va de mieux en mieux, je diversifie maintenant mes activités comme prof de français, hôte de conversation dans les English café, prof de TOEIC et de business English pour les salariés japonais, et j'ai même la chance de commencer à faire des "extra" de type figuration dans des films, passage à des jeux TV, et peut être bientôt acteur dans des séries qu'on appelle des Sagan5 (さがん)2 (je crois) qui sont des versions japonaises de drames étrangers (pour refaire l'histoire avec un background japonais)
2 Ces Sagan sont d'ailleurs parfois plutôt mauvais je dois dire. Il arrive sur des tournages que l'acteur japonais donne la réplique en japonais et l'acteur étranger la donne dans sa langue, ce qui n'est pas grave en soi parce que les voies sont masques et rééditées mais le jeu d'acteur est définitivement altéré !!


Voilà les nouvelles et le feeling du moment que je voulais partager, comme d'habitude n'hésitez pas à commenter sur le blog ou sur FB, vos commentaires me font souvent bien rire et me font plaisir. Pareillement pour ceux de mon grand père qui me rappèle bien amicalement que si il aime ce Blog, il serait bien mieux avec moins de fautes d'orthographe (surtout de la part de quelqu'un qui se dit prof de français ...haha)

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